UssaR
Grâce à son premier EP sorti en 2021, Étendues, UssaR est sorti de l’ombre. Le musicien connaissait bien le milieu puisqu’il contribuait aux claviers, aux arrangements ou encore à la direction musicale. Il accompagnait des artistes (Léonie Pernet, Kery James, Youssoupha…) et depuis, le musicien de studio et de scène joue sous sa propre bannière.
UssaR vient de sortir son deuxième album Étendard, un projet tout neuf qui révèle une fois de plus son élégance. De la finesse se dégage de chaque morceau. Sa voix grave nous fait tendre l’oreille comme on le ferait aux conseils avisés d’un ami. On se laisse doucement transporter par la noirceur des sonorités. Quelques éclaircissements s'immiscent subrepticement grâce à la présence d’un orchestre à cordes. On y retrouve sa patte, piano-voix avec des volutes électroniques. Une composition subtile qui donne à sa mélancolie un aspect fédérateur.
Si son travail musical semble minutieux et réfléchi, il répond avec une spontanéité pleine d’énergie. Les fleurs du Mal de Baudelaire est sans hésiter le livre qui a marqué sa vie. On pourrait d’ailleurs y trouver quelques ressemblances avec son univers. Il s’excuse pour ce choix pas très original mais il se remémore une édition laissant apparaître les annotations du poète maudit. Il reste admiratif de l’acharnement soigneux avec lequel il a travaillé ses textes.
La poésie est sans doute le genre littéraire qui a marqué le plus son inspiration artistique. S’il ne pouvait garder qu’un seul livre avec lui, il choisirait un recueil de poèmes de William Blake : Songs of Innocence and of Experience. « Il y a toujours ce côté contrebalancé et une double partie. Tu as quelque chose qui fait miroir, dans mon album, j’ai essayé que les morceaux se ressemblent les uns avec les autres tout en cheminant quelque part. J’essaye de faire en sorte que les morceaux puissent dialoguer. Aller vers quelque chose de plus méta. Blake fait merveilleusement bien ça. Il montre des côtés positifs et radieux avec des choses sombres, noires, désespérées. Sa mélancolie se mêle à l’amour de la vie. J’ai un ouvrage que j’ai acheté au Tate à Londres, je vais le reprendre je pense. »
Derrière son pseudonyme UssaR, Emmanuel Trouvé fait le récit d’une guerre intérieure. Celle qui raconte les tumultes d’un questionnement intime, celle qui témoigne de la bataille du doute sur les bons choix de l’existence. Une guerre fait jaillir des héros et le chanteur a une préférence pour les losers : « Ils me tiennent particulièrement à cœur. Pendant le confinement, j’enregistrais un livre audio où tous les jours je devais rendre un truc complet. J’ai choisi Au bonheur des ogres de Daniel Pennac. Sa langue est gouailleuse, c’est une espèce de bonbons en bouche, un chou à la crème. Monsieur Malaussène, c’est le bouc émissaire, le loser par excellence. Il est un peu héros malgré lui, toujours paumé dans ses contraintes. C’est un personnage que j’affectionne particulièrement. J’ai envie qu’il soit un pote et en même temps pas trop (rires) ».
Le musicien s’est confié à Cicerone Éditions sur ses lectures avec une tendresse marquante pour les amoureux du livre. Placide et jovial, son sens de l’échange colle parfaitement à sa musique. Rendez-vous le 11 mai à la Maroquinerie pour inonder nos oreilles et porter l'étendard avec lui.
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