François Créton
Son désir de vivre lui donne une puissance dantesque. François Créton est l’un des comédiens les plus émouvants d’aujourd’hui. J’ai une admiration particulière pour cet homme au regard poignant. Un regard qui témoigne d’un vécu dans la douleur avec la ferveur d’un combattant. Qu’il soit dans l’ombre comme doubleur ou au cinéma (Les héroïques, Les pires, ...), personne ne reste indifférent. Véritable lecteur intensif et amoureux de la poésie, François a accepté d’ouvrir les portes de son univers littéraire pour Cicerone Éditions.
Quels types d’ouvrages préfères-tu lire ?
Je lis des romans et je suis assez fasciné par les bios. Et beaucoup de poésie.
Quels livres ont marqué ta vie ?
Le premier qui m’a marqué et que je relis, c’est Les chants de Maldoror. C’est un truc qui me poursuit. Ensuite, il y a un roman de Mauriac qui m’a marqué il n’y a pas longtemps, Le nœud de Vipères. C'était un auteur que je ne connaissais pas du tout et j’ai été bouleversé. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’il décrit un homme odieux et ce sale type, on l’aime.
Si tu devais garder qu’un seul livre, lequel serait-il et pourquoi ?
Les chants de Maldoror ! Il y a tout dedans, l’horreur et le génial. Sinon je prendrais un recueil de poèmes de Mahmoud Darwich.
Qui est ton héros de fiction préféré ?
Je ne suis pas sûr d’en avoir un préféré, les personnes qui reprennent une vengeance sur leur destin. Je retrouve ça chez Virginie Despentes. Je retrouve ça dans des polars, je pense à Deon Meyer, le sud Africain. J’avais lu pas mal de polars de Crumley, le genre d’univers avec des personnages fracassés qui reprennent une vengeance sur leur existence où l’intrigue passe au second plan et ce qui est intéressant c’est la construction du personnage.
Cette vengeance sur son destin me fait penser au film Les Héroïques. Dans ce film bouleversant, on retrouve ce combat contre soi.
Oui, contre soi et d’aller là où la vie t’emmène tellement au fond du trou que la vengeance, c’est simplement te remettre debout. Il y a un combat contre la fatalité qui me fascine assez. Tu vois, par exemple, on est en train d’écrire avec Maxime Roy (NDLR, réalisateur du film Les Héroïques), on s’est très librement inspiré d’une bande dessinée qui s’appelle Ma révérence de Wilfrid Lupano. Ce sont des dessins où les personnages à l'intérieur sont en panne de vie. Au travers de leurs rencontres, ils vont se remettre dans l’existence.
Est-ce qu’un livre t’a déjà inspiré dans ton travail artistique ?
Comme on écrit souvent nos histoires, comme dans Les Héroïques, il y a l’histoire de la parentalité, je pense notamment aux livres de Chalandon, ça m’intéresse beaucoup.
Ce n’est pas trop difficile de se replonger dans son passé pour l’écriture d’un scénario ?
Je suis très fan de Virginie Despentes. On est à quelques années de différence, elle parle souvent de la consommation de drogues. À quelques années près, on n’est pas du tout de la même génération. Elle parle d’une époque où, la prévention existe, les seringues en vente libre existent et la substitution existe. Moi je connais la drogue au début des années quatre-vingt. Rien n'existe, tout est à faire. Ce n’est pas du tout la même histoire. De tous les toxicos de ma génération, il n’y a plus personne. À ce moment-là, il y avait une seringue pour toute la cité. Tout le monde s’est fait plomber. Pourquoi je suis passé au travers ? Je ne sais pas. Pendant très longtemps, ce qui était difficile c’était de mener une vie. À partir du moment où elle redémarre, on fait avec ce qu’il y a.
Tu as un rapport privilégié avec la poésie ?
Avant j’ai fait énormément de théâtre de rue. J’ai passé quatorze ans dans une compagnie qui s’appelle les Souffleurs commandos poétiques, on chuchotait à l’oreille des gens avec des cannes creuses par exemple. Un jour on a découvert que les poètes qu’on aimait, là où ils étaient les plus beaux, c’était dans leur langue d’origine. On s’est mis à apprendre les poèmes dans leur langue originale et on a fait le tour du monde avec. J’ai vécu des aventures poétiques folles comme lire des poèmes à des mômes dans les favélas du brésil.
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